lundi 6 mars 2023

Macron : un fidéicommis qui tourne mal

Trois ans déjà et toujours la même rengaine

Plus bas, ce que j'écrivais il y a déjà trois ans à propos de la première réforme des retraites de l'ère Macron, heureusement avortée. En la relisant je me suis dit que l'histoire se répétait, ou presque.

Si le "un euro cotisé..." a disparu, la mesure d'âge de départ s'est durcie : l'âge d'équilibre est devenu âge couperet, provoquant l'ire de tous les syndicats et d'une grosse majorité de nos concitoyens. Le fait que les plus touchés soient les femmes, les carrières longues ou frappées de pénibilité, n'échappe maintenant à personne et rend encore plus odieuse cette réforme.

Mais l'objectif de la réforme reste inchangé : faire en sorte que la part du PIB consacrée aux retraités soit inférieure à 14%. Réduire les dépenses sociales, tel est le mantra du gouvernement. On a sabré sur le dos des chômeurs, au tour des retraités maintenant !

Un fidéicommis du "grand capital" envers Macron

Le terme de fidéicommis est sans doute impropre car le grand capital dont Macron est l'homme lige est toujours là, et toujours plus ventripotent. Mais très discret, tout se passe en coulisse.

Macron, ni droite ni gauche, est viscéralement libéral voire ultralibéral. Ses propos au débotté ressuent ses convictions qui frisent la haine de classe envers les petits, les derniers de cordée, ceux qui trouveraient tous les jobs du monde s'ils daignaient traverser la rue, ceux qui ne travaillent pas assez ...

Aussi a-t-il la jusqu'ici la confiance et le soutien de ses maîtres, bien mieux que Hollande, libéral viscéral mais se croyant de gauche, ce qui induisait une conduite erratique et inconséquente. 

Avec Macron pas de surprise et une formule magique géniale pour tromper : des mesures 3/4 de blanc à droite, mais un zeste de rouge à gauche. Il y en a pour tout le monde ... mais pas dans les mêmes proportions ! Reste juste un soupçon d'alcool et de tannin pour faire passer les pilules. Même si cette formule commence à être éventée, elle permet toujours à nos ex pseudo-socialistes de se donner bonne conscience. Malgré ses discours, cette moyenne bourgeoisie salariée a compris depuis le début que ses intérêts de classe étaient du côté de Macron. (Notons au passage, que cette classe est peu touchée par le recul de l'âge de la retraite, car l'âge effectif de départ est en moyenne déjà au-delà de 64 ans.) Mais ça fait quand même un socle électoral étroit et peau de chagrin, car les classes moyennes se précarisent. Il y a de quoi inquiéter les maîtres.

Est-il devenu fou ?

Il semble en effet que, isolé et aveuglé par le pouvoir jupitérien, Macron ait perdu le sens des réalités.

Au delà du parfait sophisme affirmant que les français ont voté pour lui, et donc aussi pour les 65 ans, faire passer légalement sa loi ne la légitime pas pour autant : 2/3 des français contre et qui la jugent inique, des débats croupions au parlement, des ministres qui bafouillent des contre-vérités, traduisant une impréparation coupable et condamnable.

En plus cette loi est techniquement absurde avec sa limite couperet, chère à Jupiter : pour tenter d'en atténuer l'injustice, les mesures de compensation bricolées à la hâte risquent de coûter plus cher que les économies attendues. Il est clair que dans une optique libérale mais rationnelle, il valait mieux jouer sur la durée des cotisations pour atteindre le taux plein, ou les paramètres du calcul de la rente. Et jouer quelques notes susceptibles d'amadouer la CFDT et la CGC. 

Tout se passe comme si Zeus voulait avoir raison du peuple ... ce qui borde le lit de Le Pen et du populisme. Car immanquablement, le ressentiment va durer et s'enfler au point de, au mieux, s'abstenir...


L'article d'il y a 3 ans :

Ni de droite, ni de gauche...

Effectivement le capitalisme - je ne sais plus qui l'a dit - n'est ni de droite, ni de gauche. Il est lui-même, qui peut aussi bien s'accommoder d'une gauche Hollandaise molle qui accepte une logique de marché très peu régulé, que d'une droite imbibée d'idéologie libérale.
Mais Macron réussit le tour de force d'incarner un libéralisme complètement débridé et sans état d'âme tout en le masquant derrière un rideau de fumée. Mieux que Sarko !
Ceci dit j'ai toujours du mal à comprendre comment bon nombre d'ex gens de gauche n'ont pas la lucidité nécessaire pour le voir. 
Pourtant, les premières mesures en faveur des plus riches auraient du déciller les yeux. Ceci, et le grignotage méthodique et systématique du système d'aide social, à coups de réductions de budget, de compression de personnel social, de réductions des subventions : pas un secteur d'épargné. Il est vrai que chaque fois, cela se fait au nom de la rationalisation mais avec, à la clef, des baisses globales.
C'est l’écœurement  qui nous saisit en regardant le tableau d'ensemble.

La réforme des retraites est emblématique à cet égard.

Au nom de l'égalité de traitement on prétend supprimer les "privilèges" des régimes spéciaux en les alignant sur un régime général, lui-même sérieusement attaqué.

Le premier objectif sous-jacent, souvent passé au second plan est simple : faire baisser au-dessous des 14% du PIB les pensions des retraités. Les pensions de retraite sont un salaire différé : comme il n'est pas question d'augmenter le "coût du travail", autrement dit la rémunération du travail, cela signifie que l'objectif est d'augmenter la rente du capital.
C'est la boussole du quinquennat : il n'y a pas une mesure qui de près ou de loin s'écarte de cet objectif. Et quand ça crie trop d'un côté, style gilet jaune, on prend à Paul (sans le dire) pour donner à Pierre : c'est comme dans un lit à 2 (ou plus) avec une couverture trop petite.
Quelquefois ça finit très mal d'ailleurs. Et l'on fait le lit ... du populisme.
 
Pour masquer cette obsession libérale, quoi de mieux que de passer à un système à points qui permet de la diluer dans un épais brouillard. En plus c'est un système, sur un paramètre duquel il suffit de jouer, pour baisser les pensions à venir : les promesses d'aujourd'hui de maintien du niveau du point n'engagent que ceux qui y croient. 

Il a fallu 2 ans de pseudo-concertation avant d'arriver à une étude d'impact dont même le conseil d'état critique l'insuffisance. Impossible de se faire une idée de qui sera gagnant (il y en aura certainement) et qui sera perdant (la majorité).
Certes le matelas de sécurité pour les plus basses pensions sera étoffé (de pas beaucoup en fait), mais les carrières hachées de contrats précaires à temps partiel et de périodes de chômage sans indemnité, en particulier pour les femmes, qui seront majoritairement perdantes du fait de plusieurs mesures qui y concourent.

Vers un système de pensions privées ?

C'est le second objectif, lui aussi masqué. En apparence la baisse des cotisations ne touche que les très hauts revenus, dont les entreprises sauront compenser la baisse des pensions en alimentant des fonds de pension privés. Les dits fonds de pension s'en sont publiquement réjouis. Mais le pire est probablement, que cette très forte baisse des plus hautes cotisations va représenter un manque à gagner énorme pour les recettes du régime général.

Convergence des régimes de retraite.

Certes l'alignement des régimes est souhaités par la majorité de nos concitoyens. Cela a indéniablement du sens, car certaines différences historiquement justifiées n'ont plus vraiment de fondement aujourd'hui. 
Mais la discussion et de vraies négociations auraient du être lancées avec les partenaires sociaux. Il faut en effet avoir en tête que les retraites ne sont qu'un revenu différé. Des taux de pension alignés sur les dernières années compensaient le plus souvent des revenus instantanés plus faibles : c'est évidemment le cas dans le secteur public ou para-public.
Baisser le taux de remplacement en échange de vraies revalorisations salariales reste entendable, à condition que tout le monde s'y retrouve. Là aussi aujourd'hui, c'est le flou.
Et on peut craindre que ce soit un marché de dupes car de vraies revalorisations se traduiront par des milliards d'euros dans le budget public, ce que le gouvernement Macron ne peut accepter car cela revient in fine à augmenter le "coût du travail".

Un système plus juste : un euro cotisé...

L'alibi majeur de la réforme est celle d'un système plus juste qui traiterait tout le monde de la même façon. Mais quelle justice ? Un système qui pousse à ce que tout le monde, quelle qu'ait été sa carrière, parte en retraite à 64 à 65 ans, "grâce" à l'age d'équilibre ?
On sait bien que l'espérance de vie, et de vie en bonne santé,  dépend largement de la pénibilité de la carrière et des conditions d'exercice des métiers correspondants.
C'est aussi pour cela l'âge de la retraite était modulé dans la plupart des régimes particuliers.
Or la prise en compte de cette réalité n'est que très partielle dans les projets du gouvernement. C'est l'aspect solidarité de notre système de retraite, qui est profondément mis à mal, au profit de l’exacerbation de l'individualisme.

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